Observation de protubérances solaires et traitement des images - 19 mai 2005
Rapport d’observation et publication des images
Introduction
Cet article décrit pas à pas toutes les étapes nécessaires au traitement d’une série de 100 images du Soleil prises sur une lunette solaire de type Coronado PST avec une Webcam Philips ToUcam Pro non modifiée placée au foyer de la lunette. Les observations se sont déroulées à l’observatoire de Visker et ont été réalisées par Philippe Deverchère et Jean Caquel.
Conditions de l’observation
Les 50 images ont été acquises le jeudi 19 mai 2005 à 17h08 TU. Après une belle journée, il y avait un léger voile de nuages en altitude. Une jolie protubérance avait été observée à l’oculaire du PST durant tout l’après-midi.
Matériel et logiciel
Le Coronado PST est une petite lunette solaire de 40mm d’ouverture et de 400mm de longueur focale (F/10). Elle était montée sur une monture Vixen GP-DX pilotée par un SkySensor 2000PC, lui-même connecté à un PC sous Windows 2000. Le logiciel C2A pour Windows
était utilisé pour contrôler les mouvements du télescope.
La fonction d’acquisition « à la volée » d’Iris
http://www.astrosurf.org/buil/iris/iris.htm
a été utilisée pour acquérir les 100 images à l’aide d’une Webcam Philips ToUcam Pro non modifiée placée au foyer de la lunette. Il est à noter que la bague allonge de la lunette PST doit être enlevée pour permettre de focaliser sur la Webcam (cette manoeuvre peut parfois être un peu délicate car la bague est légèrement « collée » au châssis de la lunette).
L’image ci-dessous montre la lunette installée sur la monture GP/DX :
Observation en H-alpha
Les observations réalisées avec la lunette Coronado PST sont faites à une longueur d’onde bien particulière : la raie H-alpha. Il s’agit d’une raie d’émission du spectre solaire, centrée à 656,2 nm dans la partie rouge du spectre visible. Cette raie correspond à la première transition électronique de l’atome d’hydrogène dans la série de Balmer. C’est autour de cette longueur d’onde que sont généralement acquises les images du Soleil montrant les taches solaires, les protubérances, les facules et les filaments.
Tous ces phénomènes surviennent dans la chromosphère qui est la couche située juste au-dessus de la photosphère. Cette couche irrégulière possède une épaisseur moyenne de quelques milliers de kilomètres. La température dans la chromosphère varie de 6000°C à plus de 20000°C dans les parties les plus chaudes. Ce sont ces températures élevées qui provoquent des émissions importantes dans la raie H-alpha. Le chauffage de la chromosphère est dû à des transferts complexes d’énergie où les champs magnétiques jouent un rôle important et ces phénomènes sont encore mal compris.
Il est à noter que la chromosphère est aussi visible à une autre longueur d’onde, celle de la raie du Calcium ionisé Ca II (ionisé une fois) qui se situe dans la partie violette du spectre solaire à 393,4 nm (raie K du Calcium ionisé).
Traitement des images
Le traitement des images décrit dans cet article a été réalisé avec la version 4.33 du logiciel Iris. Ce logiciel est téléchargeable sur
http://www.astrosurf.com/buil.
Le but du traitement est d’additionner les 100 images du Soleil afin de révéler le plus de détails possible des protubérances. Il va falloir au préalable aligner les images pour rendre leur cumul possible. Après le processus d’addition, un masque flou sera appliqué à l’image résultante afin d’améliorer le contraste.
Les images brutes ayant servi au traitement (sun_1.fit à sun_100.fit) peuvent être téléchargées ici afin de reproduire les étapes du traitement décrit dans cet article.
Réglages du logiciel Iris
Avant de commencer le traitement des images, il convient de paramétrer correctement le logiciel Iris. Il faut pour cela utiliser la commande « Réglages... » du menu « Fichier ». Dans la boîte de dialogue affichée, il faut sélectionner le type de fichier « FIT » et positionner correctement le chemin du répertoire de travail (qui doit être le répertoire où se trouvent les 100 images du Soleil que l’on souhaite traiter). Iris mémorise ces paramètres d’une session à l’autre.
Normalisation du niveau médian du fond de ciel
La première étape consiste à « normaliser » le fond de ciel de la série des 100 images. En effet, la fonction d’alignement des images (en vue de leur addition) fonctionne mieux quand le niveau du fond de ciel est le même (et de préférence proche de zéro) pour toutes les images de la série.
Pour normaliser le niveau médian du fond de ciel de chaque image de la série, il faut procéder comme suit :
– Charger la première image de la série sun_1.fit. On peut utiliser le menu pour réaliser cette opération ou bien taper la commande suivante (après avoir fait apparaître la fenêtre de la ligne de commande accessible à l’aide d’un bouton de la barre d’outils) :
load sun_1
– On peut alors ajuster les seuils de visualisation pour voir le disque solaire et la protubérance de la première image. Le seuil bas peut être mis à 0 et le seuil haut à 500.
– Il faut maintenant définir la zone de l’image qui sera utilisée par Iris pour calculer l’offset à appliquer au fond de ciel. Cette zone doit bien sûr être située en dehors du disque solaire. Avec le bouton gauche de la souris, traçons un rectangle dans la partie inférieure droite de l’image.
– On est prêt alors à lancer la commande qui va analyser une à une chaque image de la série dans la zone définie à la souris et appliquer l’offset adapté pour amener le fond de ciel à une valeur proche de zéro. La commande à utiliser est la suivante :
noffset3 sun_ offset_ 0 100
Cette commande indique que l’on souhaite réaliser la normalisation sur la série d’images dont le nom commence par « sun_ », que les images résultantes auront le préfixe « offset_ », que l’on souhaite amener le fond de ciel à une valeur proche de 0 et enfin qu’il y a 100 images à traiter dans la série (ouf...). Iris va donc traiter toutes les images de sun_1.fit à sun_100.fit.
Les images offset_1.fit à offset_100.fit sont crées dans le même répertoire que celui qui contient les images brutes.
Registration des images
La seconde étape consiste à décaler les images de manière à les aligner et à rendre leur addition possible. En effet, du fait des turbulences atmosphériques et d’un suivi sidéral possiblement imparfait pendant la prise des images, il est nécessaire de décaler légèrement les images pour les rendre superposables. Le processus de registration peut s’opérer de la façon suivante :
– On charge la première image de la série des images offset que l’on a produite pendant la première étape. On lance pour cela la commande :
load offset_1
On peut alors ajuster les seuils de visualisation pour faire apparaître les protubérances (par exemple 0 pour le seuil bas et 500 pour le seuil haut).
– Il faut maintenant indiquer à Iris le centre de la zone qui servira à « recaler » les images entre elles. Il est conseillé de prendre une zone où se situent les détails de l’image que l’on souhaite mettre en valeur. Dans notre cas, il faut dessiner avec le bouton gauche de la souris un rectangle autour des deux protubérances visibles dans l’image non traitée. La taille du rectangle n’a pas d’importance, seul son centre est pris en compte.
– Une fois le rectangle autour de la protubérance principale dessiné, il faut lancer la registration sur toutes les images de la série des offsets à l’aide de la commande suivante :
pregister offset_ reg_ 128 100
Cette commande indique que l’on souhaite « registrer » une série d’images dont le nom commence par « offset_ », que les images résultantes auront le préfixe « reg_ » et qu’il y a 100 images dans la série. La valeur 128 est la taille de la sous image utilisée pour faire le calcul d’auto corrélation. Cette sous image est centrée sur le centre de la zone rectangulaire que l’on a définie à la souris. Iris impose que cette valeur soit une puissance de 2. Dans notre cas, 128 est une valeur correcte car elle fournit une sous image qui couvre toute la zone intéressante de la protubérance.
Il est à noter que la commande « pregister » est préférée à la commande « pregister2 » (une autre commande disponible dans Iris) car il y a très peu de changement entre 2 images successives de la série des 100 images. Si la protubérance évoluait très rapidement sur la durée de l’observation, on pourrait alors utiliser la commande « pregsiter2 ».
Une fois la commande de registration lancée, les 100 images reg_1.fit à reg_100.fit sont créées dans le même répertoire que les images brutes.
Addition des images
Puisque les images ont été correctement recentrées, on peut maintenant les additionner à l’aide de la commande suivante :
add2 reg_ 100
Cette commande indique à Iris qu’il faut ajouter les 100 images qui ont pour préfixe « reg_ ». L’image résultante s’affiche alors dans Iris et on peut ajuster les seuils de visualisation à 0 (seuil bas) et 8000 (seuil haut). Il est possible d’afficher le négatif de l’image en utilisant le bouton d’inversion dans l’outil d’ajustement des seuils d’Iris (c’est le bouton le plus à droite de la fenêtre d’outils). On voit alors très nettement apparaître la protubérance en forme d’arche qui n’apparaissait pas jusqu’à présent sur les images individuelles.
Il faut maintenant sauvegarder l’image résultante avant de commencer à la traiter. On peut par exemple utiliser la commande :
save image_add
qui permet de créer le fichier image_add.fit dans le répertoire de travail.
Amélioration du contraste
Il est possible maintenant d’améliorer le contraste de l’image à l’aide d’un masque flou. Il s’agit d’un filtre passe-haut qui accentue les hautes fréquences de l’image et augmente le contraste de l’image.
On peut appliquer le masque flou à l’aide de la commande « Masque flou... » du menu « Traitement » ou bien lancer la commande suivante sur la ligne de commande :
unsharp 2 1.5 1
Il faut faire attention de ne pas appliquer un traitement trop agressif qui « dénaturerait » l’image en faisant apparaître des détails qui n’existent pas en réalité sur l’image. Avec les valeurs suggérées ci-dessus, on voit bien apparaître les deux petites arches dans la protubérance principale. On voit aussi apparaître d’autres petites protubérances sur le disque solaire.
Il faut maintenant sauvegarder l’image traitée. On peut par exemple utiliser la commande :
save image_unsharp
qui permet de créer le fichier image_unsharp.fit dans le répertoire de travail.
Eclipse artificielle
Une manière d’accroître un peu plus la « visibilité » des protubérances est de réaliser une « éclipse artificielle », c’est-à-dire de supprimer de l’image le disque solaire et de ne laisser apparent que la périphérie correspondant à la chromosphère. Iris possède une commande permettant de réaliser très facilement cette opération.
– Commençons par sélectionner une zone rectangulaire avec le bouton gauche de la souris qui couvre au maximum le disque solaire. Cette zone rectangulaire va permettre à Iris de réaliser le calcul du centre du cercle solaire ainsi que son rayon. L’image ci-dessous montre comment procéder :
– Il faut maintenant sélectionner un niveau qui sera utilisé par Iris pour déterminer le contour du disque solaire. Si ce niveau est élevé, la limite sera légèrement à l’intérieur du disque solaire. Si il est faible, elle aura tendance à être un peu à l’extérieur. En déplaçant la souris sur la limite du disque solaire (Iris affiche la valeur du pixel survolé par la souris dans la zone de dialogue en bas à droite de la fenêtre principale), on se rend compte que la valeur 6000 semble bien adaptée (on peut réaliser plusieurs essais pour le vérifier). On peut alors lancer la commande qui va permettre de déterminer les caractéristiques du disque solaire :
circle 6000
En retour, on obtient les coordonnées du centre du disque (qui se trouve à l’extérieur de l’image) ainsi que son rayon. On pourra par exemple obtenir :
X=318.91 Y=577.90 R=329.44
Il est à noter que le diamètre calculé est aussi affiché sur l’image.
– Les caractéristiques du disque étant connues, on peut lancer la commande qui va supprimer la partie interne disque solaire :
disk1 318.91 577.90 329.44
où les 3 valeurs passées en paramètres correspondent aux coordonnées du centre du cercle (X puis Y) et à son rayon (R).
L’image obtenue est la suivante :
On peut maintenant sauver l’image montrant l’éclipse artificielle :
save image_eclipse
Création d’un profil polaire
Iris donne la possibilité intéressante de transformer l’image circulaire du disque solaire en une image en coordonnées polaires où le limbe solaire est présenté linéairement.
La commande à appliquer à l’image image_eclipse.fit est la suivante :
rec2pol 318.91 577.90 400 0.15
Les 2 premiers paramètres sont les coordonnées du centre du disque solaire précédemment calculés (X et Y). Le paramètre 400 représente « l’épaisseur » en pixels de la vue polaire. Il faut utiliser une valeur un peu supérieure au rayon du disque solaire. Comme ce rayon vaut environ 329 pixels, on peut utiliser la valeur 400 pour voir la protubérance dépasser du disque. Enfin, le paramètre 0.15 représente l’échelle en degrés par pixel du profil polaire (c’est-à-dire le nombre de degrés de la circonférence solaire que représentera chaque pixel de l’image résultante). Afin de ne pas déformer la protubérance, on peut utiliser une valeur de 1,5 degrés par pixel. Tout le profil solaire tiendra donc sur 540 pixels (360 * 1,5).
Une fois la commande appliquée, on obtient une longue bande verticale qu’il faut « fenêtrer » pour récupérer la partie intéressante (attention de bien faire défiler l’image verticalement pour faire apparaître cette zone). La commande de fenêtrage est la suivante (on ne cherche pas ici à obtenir les 360° du périmètre solaire mais seulement la zone où se trouvent les protubérances principales) :
window 396 158 292 798
On peut ensuite réaliser une rotation pour obtenir une vue horizontale de l’image. Pour cela, il suffit d’inverser les axes X et Y à l’aide de la commande :
mirrorxy
Voici l’image obtenue :
Un nouveau masque flou appliqué à cette image permet de mieux visualiser une petite protubérance sur la gauche de l’image :
Conclusion
La lunette solaire Coronado PST permet de prendre facilement de très bonnes images de la chromosphère solaire pour une prix très compétitif (les filtres H-alpha sont traditionnellement chers). De plus, le logiciel Iris possède toutes les fonctionnalités permettant de traiter facilement les images prises avec une simple Webcam.
On peut donc facilement surveiller l’activité solaire et, avec un peu de méthode, visualiser l’évolution des protubérances sur des périodes de quelques heures à quelques jours. On peut aussi s’intéresser aux détails de la surface du disque en réglant correctement la bande passante de la lunette Coronado et en appliquant des traitements adaptés.